Dans cette série de podcasts, les membres du RAEMH nous parlent de leur organisation, de leur travail auprès des personnes en mobilité, et de leur vision du réseau. Bonne écoute !

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À la rencontre du RAEMH, le Réseau Afrique Europe pour la Mobilité Humaine. Un programme d’échanges et de réflexion autour de l'accueil et l'accompagnement des personnes en mobilité. Aujourd'hui… direction Gao.

Je me trouve actuellement au Mali, plus précisément dans la ville du nord du Mali du nom de Gao. Je me nomme Isamel Isaac Pangoup. Je suis le responsable administratif et financier de la Maison du Migrant de Gao.

La Maison du Migrant à Gao

Nous travaillons exactement dans la région nord du Mali. La Caritas, la Maison des migrants de Gao, est une structure qui a été créée en 2000. Mais les activités se sont intensifiées dans les années 2009 avec la création officielle de la Maison du Migrant par les Pères Blancs.

Nous avons comme actions spécifiques l’appui juridique, le soutien à la réinsertion socio-économique, le soutien social, le soutien psychologique et la lutte contre le trafic des personnes. Ces activités se résument à quoi ?

→ Nous avons des campagnes de sensibilisation pour informer les personnes en situation de mobilité que nous accueillons sur les dangers liés à la traversée du désert et de la Méditerranée, afin qu'ils puissent prendre une décision éclairée quant à leur voyage.

→ Nous faisons également du plaidoyer, parce que lorsque les migrants arrivent dans la ville de Gao, avec la situation sécuritaire, ils sont souvent interpellés par les forces de l’ordre, ce qui fait qu’ils sont mis à la disposition du tribunal, qui nous appelle, et nous on vient faire un plaidoyer pour que la personne ne soit pas mise en détention pour des raisons de vagabondage. Nous préférons nous approprier directement le cas au niveau du tribunal et retourner la personne chez elle rapidement.

→ Nous avons aussi ce soutien à la réinsertion socio-économique, qui vise à permettre aux personnes désireuses de s'installer à Gao d'avoir une activité économique qui leur permette de s’auto-prendre en charge et même de nous aider à aider d'autres migrants qui arrivent dans la ville de Gao et qui recherchent un certain soutien.

→ Nous avons un soutien psychiatrique que nous offrons surtout aux jeunes filles victimes de maisons closes.

→  En termes de nourriture, la Maison du migrant offre trois repas : petit déjeuner, déjeuner et diner. Nous sommes ouverts 24h/24h et la Maison du migrant est un peu un sas de répit pour toute personne étrangère qui vient dans la ville de Gao.

La situation actuelle dans le nord du Mali

S’il faut parler de la situation, du contexte social, économique et politique dans la région de Gao, c'est ce que l'on observe dans tout le Sahel. Le coup d'État du 26 juillet dernier, qui a eu lieu au Niger, a beaucoup affecté la vie sociale et économique de Gao. Pourquoi ? Parce que, depuis peu, avec cette situation du coup d’Etat au Niger, de la situation sécuritaire notamment avec le retrait de la force Barkane et de la force Minusma, les interventions de l’armée malienne pour la récupération des zones de Kidal, la vie est un peu tendue parce que nous vivons sous couvre-feu depuis presque deux mois. Cela a beaucoup affecté la vie de la Maison du migrant face à l'arrivée massive des personnes en mobilité parce que on a observé depuis un certain temps que la plupart des migrants arrivent par la frontière avec le Niger, en informant que, au niveau de la ville d'Assamaka, l'aide est un peu mitigée et que le temps d'attente est très long. Ils préfèrent donc voyager par leurs propres moyens à Niamey, et revenir à Gao pour trouver de l'aide, car ils ont été informés que la Maison du migrant avait une certaine promptitude dans l'assistance aux personnes en mobilité.

Nous accueillons environ 35 à 40 personnes chaque semaine. Face à cette situation, l'église catholique de Gao nous a octroyé un lieu où nous pouvons placer des mini tentes, où les migrants peuvent vivre pendant un certain temps. Au niveau de Gao, 65% des personnes que nous observons dans la ville de Gao sont des « flux sortants », notamment des personnes qui vont en direction du Maghreb et de l’Europe. Ils passent par l'Algérie ou la Libye pour atteindre la Méditerranée centrale et traverser.

Et puis la situation a tellement affecté la mobilité, qu'aujourd'hui, on observe un encerclement de la ville parce que le tronçon Gao-Sévaré est pratiquement coupé par les hommes armés, des hommes armés non identifiés, qui bloquent le passage des bus, des compagnies de transport. Nous pensions que la voie fluviale, notamment le bateau qui venait à Gao, pourrait nous servir pour l’acheminement des migrants. Mais cela est devenu impossible avec l'attaque du bateau Tombouctou qui a eu lieu en août dernier. L’accroissement de ces événements sécuritaires et politiques affecte réellement la vie de la Maison du migrant, en ce sens que nous avons été obligés de faire des ponctions budgétaires qui sont en quelque sorte liées à la cherté de la ville. Je dis la cherté de la ville parce qu'avec le coup d'état au Niger, les routes ont été barrées avec l’embargo sur le Niger. Le marché de Gao, qui est essentiellement approvisionné par le Niger, a été coupé. C'est une situation que nous vivons et qui est quelque part liée à l'insécurité, à la dégradation politique.

Le RAEMH

Le RAEMH, qui est le Réseau Afrique Europe pour la Mobilité Humaine, est un réseau auquel appartient la Maison du Migrant et qui accompagne la Maison des Migrants dans tous les projets et programmes qu'elle met en œuvre sur le territoire malien.

Ce que nous voulons surtout pour le réseau RAEMH, c'est qu'il puisse y avoir une intégration de plusieurs autres Caritas et d'autres organisations qui partagent les mêmes passions, les mêmes idées d'accompagnement des personnes migrantes et de les rendre dignes.

Nous voulons aussi que le réseau s'intéresse à la question des personnes mortes et disparues dans le Sahara. Je voudrais dire quelque chose et insister sur cet aspect de l'accompagnement des familles endeuillées. Depuis très peu de temps, nous nous sommes rendu compte que beaucoup de migrants qui décèdent à Gao, leurs familles ne sont parfois même pas informées de la situation de leurs enfants. Et leurs familles sont souvent très pauvres et la perte d'un être cher qui était souvent celui qui s'occupait de toute la famille, parce que quand il était dans un pays d'accueil, il gagnait un peu d'argent et l'envoyait à la famille. Nous nous sommes rendu compte que ces familles endeuillées n'ont rien après le décès de leurs enfants. Il faudrait que notre réseau RAEMH puisse travailler sur cette question de l'accompagnement des familles endeuillées, notamment sur le plan financier et psychologique.

En 2022, nous avons perdu deux de nos collègues, Eric Alain Kamdem et Adama Sila. Je le répète, à tout le monde, de toujours prier pour eux parce qu'ils étaient des activistes et des défenseurs des droits des personnes migrantes. En termes d’accompagnement, ils étaient inégalés. Donc je remercie encore le Réseau RAEMH, qui a toujours diffusé ce film, « Shelter », dans lequel on voit encore ces moments forts de nos camarades dans notre mission d’accompagnement aux personnes en mobilité, c'est-à-dire Eric Alain Kamdem et Adama Sila. Nous espérons vraiment que, ce que nous faisons ici, aura un impact dans l’avenir.